Le lien entre les personnes élues et la population

S’assurer que tous les votes comptent et que toutes les personnes comptent.

5- Le lien entre les personnes élues et la population: 

  • qu’il soit possible de référer à une personne en particulier, de pouvoir identifier qui représente qui, de savoir qui porte la responsabilité des décisions pour attribuer autant les mauvaises que les bonnes notes

Le site de l’Assemblée nationale décrit les trois rôles des députées et députés: «législateur», «contrôleur» et «intermédiaire». Ces trois rôles s’exercent dans le cadre des activités parlementaires et par la présence en circonscription. La manière de jouer les trois rôles est bien entendu différente si l’on est d’un parti d’opposition ou du parti gouvernemental, notamment en regard des moyens disponibles et du temps de parole, et elle est aussi influencée par le respect de la ligne de parti.

Malgré les craintes des personnes élues, changer le système électoral ne modifierait pas la nature profonde de ces trois rôles, mais la manière de les remplir et les attentes de la population.

Le rôle d’intermédiaire est abondamment décrit sur le site de l’Assemblée nationale comme se situant «entre les citoyens et l’Administration publique»: pour représenter ses «concitoyens», traiter leurs demandes pour «avoir accès à un programme gouvernemental», «faire modifier une loi ou un règlement», agir comme intermédiaire pour s’assurer «que sa communauté reçoit sa juste part des programmes publics en santé, en éducation, sur le plan de l’aide à l’emploi, etc.», pour présenter une pétition en leur nom et faire «valoir les besoins de sa circonscription auprès des ministres et des fonctionnaires responsables de l’allocation des finances de l’État».

La possibilité de référer à sa députée ou son député est souvent présentée comme une caractéristique importante du système actuel et de nos mœurs politiques. Cependant, cela ne veut pas dire que ces personnes nous soient présentement accessibles, ni qu’elles répondent à nos besoins.

Mais surtout, la population n’ayant accès qu’à une seule personne élue, il y a de fortes chances qu’elle ne soit pas du parti pouvant être utile. Le recours aux membres du parti gouvernemental ou de l’opposition n’offre pas les mêmes possibilités, et l’on ne choisit pas que sa circonscription soit dans l’opposition. Ainsi, lorsqu’une région est depuis longtemps représentée par un seul parti, la prise en compte de ses enjeux et son développement économique dépendront beaucoup de sa concordance, ou non, avec la couleur du parti gouvernemental. Pour une région comme l’Outaouais, où tous les sièges, avant l’élection de 2018, avaient été occupés par le PLQ depuis 1981, on peut penser que le développement régional était avantagé lorsque ce parti était au gouvernement. Mais 100% des sièges ne veut pas dire 100% des votes. Ainsi, en 2008, 55% de l’électorat de la région de l’Outaouais n’a pas voté pour le parti gagnant. Ce qu’on voit comme un avantage pour la population de cette région devient un inconvénient pour les 55% de l’électorat qui n’avait personne vers qui se tourner pour défendre des causes ne concordant pas avec les visées du parti gouvernemental.

Dans un système proportionnel mixte compensatoire, les régions représentées par un seul parti sont plus rares parce que la pluralité des opinions politiques s’exprime. La population accède donc à des députées et députés de différents partis, ce qui améliore les chances d’obtenir l’aide souhaitée ou le soutien demandé. Cela permet à la population d’obtenir le soutien de toute l’équipe de la députation régionale ou d’aller vers la personne du parti de son choix, même si elle est dans la circonscription voisine ou dans une autre partie de la région.

Lorsqu’il y a formation d’une coalition gouvernementale, la collaboration des partis la formant est aussi vécue au niveau des régions, formant des équipes régionales multipartisanes. La dynamique est totalement transformée. Les rivalités peuvent demeurer, mais les probabilités d’avoir un jour à s’allier avec d’autres partis rendent les échanges plus respectueux, que ce soit par calcul politique ou par sympathie.

Pour répondre aux besoins de la population de la région, la députation régionale a la chance de travailler en collaboration, entre membres d’un même parti, ou même de partis différents. Ce fonctionnement ouvre de nouvelles avenues à la collaboration entre les caucus des différentes régions, du même parti ou non, par exemple pour la protection de l’environnement, ou la défense des droits économiques et sociaux. Cela peut aller jusqu’à modifier la manière d’appliquer la ligne de parti et, conséquemment, de rendre la période des questions moins conflictuelle.

Bien qu’étant identifiée comme l’activité principale des personnes élues, le rôle de «législateur» ce rôle ne semble pas correspondre d’emblée à la vision que nous avons de leur travail. Les médias mettent surtout de l’avant l’action des ministres du parti gouvernemental, accordant bien peu d’attention à la centaine d’autres parlementaires. Les porte-parole des partis d’opposition qui participent aux commissions parlementaires jouent souvent le rôle de chien de garde, mais y étant minoritaires et disposant de moins de temps de parole, il est bien rare que le gouvernement accède à leurs demandes, en modifiant un projet de loi par exemple.

Le rôle de «contrôleur de l’action gouvernementale» n’est pas décrit autrement qu’en référant à la présentation des moyens de contrôle sur le gouvernement. L’on comprend qu’il s’exerce à l’Assemblée, par exemple durant la période de questions, de même qu’en Commission, lors de l’étude des crédits budgétaires et lors de l’interpellation de ministres. Ce rôle est surtout visible lorsqu’il est joué par les membres des caucus des partis d’opposition. Les interventions ne sont pas toujours uniquement liées à la population de la circonscription représentée, par exemple en questionnant le gouvernement sur des enjeux plus larges, comme l’éducation, la santé, etc.

Dans un modèle mixte compensatoire, le lien de proximité étant déjà couvert par les sièges élus dans des circonscriptions, cela permet de choisir un type de liste assurant la meilleure proportionnalité possible, soit la liste nationale.

Loin d’être compromis, les trois rôles dévolus actuellement aux membres de l’Assemblée nationale prendraient de la valeur. Le rôle de législateur deviendrait plus visible et correspondrait mieux à sa description, notamment par la modification du fonctionnement des Commissions parlementaires. Le rôle d’intermédiaire deviendrait plus consistant en permettant une meilleure représentation régionale de même que par l’avancement de dossiers qui traversent toutes les régions et les circonscriptions. Quant au rôle de contrôleur, l’existence de la ligne de parti n’empêcherait plus les députées et députés de la coalition gouvernementale de l’exercer, notamment en raison de la collaboration pouvant s’établir dans chacune des régions.

L’introduction d’un tel système permettrait de bénéficier de plusieurs manières de faire valoir nos vues, soit en recourant au lien de proximité géographique, soit à celui de proximité idéologique ou stratégique. Par exemple, pour des enjeux de condition féminine touchant toute la région, l’on pourrait solliciter l’aide de l’une des députées de la région, alors que pour promouvoir le développement économique de sa ville, il pourrait être plus judicieux de se tourner vers la personne élue pour représenter la circonscription. Bien que les sièges de circonscriptions soient davantage perçus comme une représentation de proximité, les sièges de liste peuvent donc aussi jouer ce rôle. Quant à l’adaptation aux territoires à couvrir, cela est l’occasion de voir comment faciliter la mise en place de plusieurs bureaux, de payer les coûts de transport, d’aménager le calendrier des travaux parlementaires et même de permettre la participation par Internet.

Voir la page des propositions de l’autrice, le document réunissant les aide-mémoire et les propositions, de même que la documentation qu’elle partage en lien avec le lien entre les personnes élues et la population, en particulier :

Sur la situation actuelle :

Sur les possibilités offertes :

Pour en savoir plus, voir : Mercédez Roberge, Des élections à réinventer, 2019, Montréal, Éditions Somme toute, 408 pages.