Propositions pour répondre aux cinq critères

Propositions

On ne change pas de système électoral pour des raisons futiles et lorsqu’on le fait, on souhaite que cela améliore profondément la démocratie. Ces propositions sont spécifiques pour le Québec, mais adaptables au Canada ou aux provinces ou territoires. Chacune des propositions peut contribuer à l’atteinte de plusieurs des 5 critères utilisés tout au long de cet ouvrage et résumés par la légende qui suit.

Légende:

  1. Le respect de la volonté populaire
  2. Le respect du pluralisme politique
  3. Le respect des éléments constitutifs d’une société
  4. Le respect de la population de toutes les régions ou territoires, notamment de ses opinions politiques
  5. Le lien entre les personnes élues et la population

Des principes démocratiques généraux

Bloc A : Propositions: Affirmer les principes démocratiques et les appliquer dans la Loi électorale, dans le fonctionnement de l’Assemblée nationale et des partis politiques.
Critères respectés : 1, 2, 3, 4 et 5

1 – Que la Loi électorale et le règlement de l’Assemblée nationale contiennent un énoncé de principe affirmant notamment:

  • a) Que la démocratie bénéficie du pluralisme politique et de la contribution de personnes apportant une pluralité de réalités, d’expertises et d’expériences de vie et que les éléments constitutifs de la société se sentent partie prenante de la démocratie.
  • b) Que la répartition des sièges, des ressources et des responsabilités au sein de l’Assemblée nationale corresponde au pourcentage d’appui obtenu lors d’une élection générale.
  • c) Que la démocratie requiert de tenir compte des effets des inégalités socio-économiques, de différentes marginalisations et des obstacles qui en découlent, tant dans l’exercice du vote que dans celui de présenter sa candidature à une élection, de même que dans l’exercice de fonctions militantes ou parlementaires;
  • d) Que les partis politiques portent une responsabilité dans l’application de ces principes et qu’ils doivent en rendre compte à la société, en plus de le faire auprès de leurs membres;
  • e) Que le financement public doit être accordé en cohérence avec la composition de la société et le respect de principes démocratiques, égalitaires et antiracistes;
  • f) Que la société assume sa responsabilité à l’égard de la représentation, notamment en attribuant les deniers publics nécessaires à l’application de l’énoncé de principe;

2 – Que tous les aspects de la Loi électorale, des règles de l’Assemblée nationale et de celles des partis politiques respectent l’énoncé de principe, notamment:

  • a) En appliquant une analyse différenciée selon les sexes (ADS+) et une analyse antiraciste;
  • b) En facilitant la conciliation famille-travail-militance-représentation;
  • c) En évaluant régulièrement leurs actions en lien avec l’énoncé de principes en les adaptant à l’évolution de la société.

Des éléments techniques pour que tous les votes comptent

Bloc B : Propositions: Une Assemblée nationale élue par un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire
Critères respectés : 1, 2, 3, 4 et 5

3 – Que la Loi électorale du Québec soit modifiée, afin que tous les votes comptent et que toutes les personnes comptent, en instaurant un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire et des mesures structurelles pour diversifier la composition de l’Assemblée nationale.

4 – Que l’Assemblée nationale soit composée à la suite:

  • a) de l’élection de 60% des sièges par le mode de scrutin majoritaire, soit 78 sièges dits de circonscriptions, répartis selon le découpage de la carte électorale en autant de circonscriptions.
  • b) de l’élection de 40% des sièges par un scrutin proportionnel de liste, soit 50 sièges dits de compensation, répartis selon le découpage de la carte électorale en un nombre de régions électorales entre 8 et 10.

5 – Que chaque électrice ou électeur soit conséquemment représenté de deux manières:

  • a) par une députée ou un député pour sa circonscription et par autant de députés correspondant au nombre de sièges de compensation de sa région électorale.

Bloc C : Propositions: Des circonscriptions et des régions électorales
Critères respectés : 1, 2, 3, 4 et 5

6 – Que le découpage des circonscriptions et des régions électorales respecte les critères de la Commission de représentation électorale quant à l’égalité du vote et au respect des communautés naturelles.

7 – Que le découpage respecte les territoires des régions administratives, de manière à ce que chaque circonscription soit comprise à l’intérieur d’une région électorale et que chaque région électorale réunisse un minimum de 8 sièges, sans dépasser 60% de sièges de circonscriptions.

8 – Qu’un candidat ou une candidate puisse figurer sur le volet A du bulletin et faire partie de la liste présentée par son parti, par le volet B du bulletin.

Bloc D : Propositions: Deux votes sur le bulletin et la compensation nationale
Critères respectés : 1, 2, 3, 4 et 5

9 – Que le vote s’exprime en utilisant un bulletin à deux volets:

  • Volet A: pour choisir une personne pour sa circonscription;
  • Volet B: pour choisir un parti.

10 – Que le pourcentage des votes obtenus par un parti par le volet B des bulletins recueillis à l’échelle nationale établisse le pourcentage de sièges qu’un parti occupe à l’Assemblée nationale, soit en ajout des sièges de circonscriptions remportés.

11 – Que la méthode de calcul Hare soit utilisée pour établir le nombre de sièges que chaque parti doit occuper.

12 – Que les sièges de compensation sont distribués aux partis ayant recueilli au moins 2% des votes à l’échelle nationale ou ayant fait élire au moins un siège de circonscription.

Bloc E : Propositions: La distribution des sièges par des listes régionales
Critères respectés : 1, 2, 3, 4 et 5

13 – Que chaque parti fournisse au DGEQ la liste des candidates et candidats pour chaque région électorale où il souhaite obtenir des sièges de compensation, chaque liste étant classée selon l’ordre désiré pour la distribution des sièges.

14 – Que la distribution des sièges de compensation se fasse en utilisant les listes régionales ayant servi au vote de chaque région électorale, en débutant par le premier nom.

15 – Que l’ordre de distribution des sièges de compensation requis pour respecter le pourcentage de vote attribué à un parti se fasse en débutant par les régions où ce parti a obtenu les plus hauts pourcentages de votes du volet B du bulletin.

Des éléments techniques pour que toutes les personnes comptent

Bloc F : Propositions: Des mesures structurelles pour diversifier la classe politique
Critères respectés : 3, 4 et 5

16 -Que les partis politiques soient tenus de présenter autant de candidatures de femmes que d’hommes, tant pour les sièges de circonscriptions que sur les listes utilisées pour la compensation, et qu’elles soient placées en alternance sur chaque liste régionale.

17 – Que dans les régions électorales où le pourcentage de personnes racisées ou nées à l’étranger atteint ou dépasse la moyenne nationale de leur part démographique globale, les partis politiques soient tenus de présenter un nombre équivalent de candidatures de personnes racisées ou nées à l’étranger, tant pour les sièges de circonscriptions que sur les listes utilisées pour la compensation, et qu’elles soient placées dans le premier tiers de chaque liste régionale, là où la règle s’applique.

18 – Que le défaut de remplir les 2 règles qui précèdent entraîne le rejet des candidatures, un parti disposant ensuite d’un délai (à déterminer) pour présenter des candidatures conformes.

19 -Que le financement public fourni à un parti (allocation annuelle et remboursement des dépenses électorales du parti) soit accordé en fonction des critères supplémentaires suivants:

  • a) Le pourcentage total global de femmes et de personnes racisées ou nées à l’étranger qu’un parti fait élire.
  • b) Le pourcentage de femmes et de personnes racisées ou nées à l’étranger dans la répartition des responsabilités parlementaires de tous les partis, incluant la composition du conseil des ministres,
  • c) Le fait d’augmenter les proportions, comparativement à l’élection précédente, entraînant une hausse de financement, et une baisse du financement dans le cas contraire. (La graduation des conséquences est à déterminer.)

20 – Que le remboursement de dépenses électorales des femmes et des personnes racisées ou nées à l’étranger, qu’elles soient élues ou non, soit majoré pour tenir compte des inégalités socio-économiques statistiques.

21 – Que les partis politiques, l’Assemblée nationale et la Direction générale des élections du Québec soient tenus de se doter de politiques contre le harcèlement et d’appliquer l’analyse différenciée selon les sexes (ADS+) et une analyse antiraciste dans leurs fonctionnements.

22 – Que les partis politiques soient tenus de se doter d’objectifs complémentaires (à ceux portant sur l’élection de femmes et de personnes racisées ou nées à l’étranger) pour augmenter la participation à leurs instances et le recrutement de candidatures de jeunes, de personnes ayant des limitations fonctionnelles, ou discriminées en raison du genre, de l’orientation sexuelle, etc. Le choix des objectifs complémentaires étant fonction des valeurs ou particularités du parti. Pour ce faire:

  • a) Qu’ils évaluent leurs règles et procédures internes et leurs démarches de recrutement des candidatures;
  • b) Qu’ils identifient les obstacles que peuvent rencontrer les personnes vivant une ou plusieurs marginalisations et les manières de les contrer;
  • c) Qu’ils élaborent des plans d’action appropriés et qu’ils mettent en place les moyens nécessaires, notamment financiers, pour lutter contre les préjugés, tiennent compte des conditions socio-économiques; facilitent la conciliation famille-travail-militance-représentation; revoient l’organisation, la structure hiérarchique et de la répartition des responsabilités; permettent l’accès à l’information, aux outils ainsi qu’aux lieux physiques; assurent un déroulement des débats et un vocabulaire inclusifs; etc.

23 – Qu’ils justifient tout écart entre pourcentage des candidatures de femmes et de personnes racisées ou nées à l’étranger et la part des sièges qu’elles occupent.

24 – Que les partis politiques fassent rapport annuellement au DGEQ et que ce dernier bonifie leur allocation annuelle en fonction des résultats atteints quant aux objectifs complémentaires choisis et des obstacles contrés.

25 – Que dans l’éventualité où un parti serait fondé exclusivement pour défendre une catégorie particulière de personnes discriminées ou marginalisées et qu’il serait formé exclusivement de ces personnes, que les mesures soient adaptées pour en tenir compte, en concordance avec les règles prévues pour les programmes d’accès à l’égalité établies par la Charte des droits et libertés de la personne.

Bloc G : Proposition: La représentation des nations autochtones
Critères respectés : 1, 2, 3, 4 et 5

26 -Que la situation particulière des Autochtones soit prise en compte dans toute réflexion sur la représentation, dans une relation de nation à nations.

27 – Que le gouvernement du Québec discute avec les nations autochtones de leurs attentes face à leur représentation à l’Assemblée nationale.

28 – Que dans l’éventualité où les nations autochtones souhaiteraient augmenter leur représentation au sein de l’Assemblée nationale, que les modalités et mesures structurelles appropriées soient adoptées, en concordance avec les critères qu’elles auront fixés, ainsi qu’envers le respect de la volonté populaire, du pluralisme politique et des éléments constitutifs des populations autochtones dans tous leurs territoires.

 

Source: Mercédez Roberge, Des élections à réinventer, 2019, Montréal, Éditions Somme toute, 408 pages.