Le respect de la population de toutes les régions ou territoires, notamment de ses opinions politiques

S’assurer que tous les votes comptent et que toutes les personnes comptent.

4- Le respect de la population de toutes les régions ou territoires, notamment de ses opinions politiques: 

  • que la démocratie soit effective quel que soit le lieu de résidence, quelle que soit la superficie des régions et des territoires servant à l’élection.

L’analyse de la représentation des régions administratives doit cesser de se limiter à la seule préservation du nombre de leurs sièges. Les résultats électoraux montrent que les populations de ces régions n’obtiennent pas le respect de leurs votes ni l’accès à une représentation adaptée à la société et à sa démographie. Contrairement à l’idée répandue, le mode de scrutin actuel n’est pas «bon pour les régions», puisqu’il empêche leurs populations d’accéder à une juste représentation.

Le système actuel est très loin de bien représenter la population que ce soit au niveau national ou régional. Lors des 5 dernières élections québécoises, dans 13 régions, la population a voté pour un parti qui n’a obtenu aucun siège malgré qu’il ait reçu de 20% à 35% d’appuis. Dans 10 régions, des opinions ont été sous-représentées de -30% à -35% ou surreprésentées de +50% à +74%, entre une et cinq élections, et cette situation s’est répétée lors de 3 élections et plus pour 6 de ces régions.

S’il nous apparaît antidémocratique qu’un parti occupe la totalité des sièges de l’Assemblée nationale sans en avoir reçu les votes correspondants, c’est pourtant ce qui arrive régulièrement au niveau de la représentation des régions. Ainsi, 16 des 17 régions ont vu de 70% à 100% de leurs sièges occupés par un parti n’ayant évidemment pas obtenu un tel appui. La population de 10 de ces régions ayant vécu cette monopolisation du pouvoir lors de 3 élections et plus.

L’analyse des résultats nationaux et régionaux montre également que toutes et tous n’ont pas accès aux postes de représentation, ni accès au fait d’être représenté par une diversité de personnes. Les entraves à la participation pleine et entière des femmes, des personnes racisées ou nées à l’étranger sont persistantes et la documentation ne manque pas sur les différences existantes quant aux conditions sociales et économiques générant ces entraves.

Alors que l’indice de distorsion moyen des 42 élections québécoises depuis 1867 est de 17,7, l’analyse des résultats régionaux offre un portrait encore pire. Par exemple, lors des élections de 2014 et de 2018, seule la Montérégie a obtenu un indice de moins de 10, soit 7 en 2014, les autres régions se situant entre 14 et 59.

Le nombre d’électrices et d’électeurs qui n’obtiennent pas de représentation de leurs idées est effarant. Lors des 5 dernières élections québécoises, 10 régions ont atteint 60% et plus de votes perdus. Les régions de l’Abitibi-Témiscamingue, du Centre-du-Québec, de l’Estrie, des Laurentides, de Laval et de la Mauricie le vivant même à 3 et 4 reprises. De fait, seule la région de Montréal n’a jamais atteint 50% de votes perdus.

Les renversements de la volonté populaire se produisent régulièrement dans les résultats électoraux des régions. Ainsi, lors des 5 dernières élections, la population de 10 régions a vécu entre 1 et 3 renversements de sa volonté populaire.

Quant à la diversification de la classe politique elle est très inégale selon les régions. Pour les 5 élections québécoises de 2007 à 2018, la population de 11 régions seulement a compté au moins une femme élue lors de chaque élection, dont seulement 4 ont dépassé 40% d’élues. Quant aux personnes racisées ou nées à l’étranger, la population de 9 régions n’en a jamais élues. La performance nationale ne s’est d’ailleurs pas concrétisée sur tout le territoire puisque dans 8 régions, le pourcentage de femmes élues s’est situé entre 0% et 33%. Quant à la parité, la vraie à 50%, elle a été atteinte dans 6 régions seulement (Abitibi-Témiscamingue, Côte-Nord, Montréal, Laurentides, Mauricie et Montérégie). Avec seulement 14 personnes racisées ou nées à l’étranger ayant été élues à la dernière élection, il ne faut pas se surprendre que seules 7 régions en comptent dans leur représentation, mais dans 5 cas, il ne s’agit que d’une seule personne.

Pour s’assurer que la population de toutes les régions ait accès à tous les avantages liés à la proportionnalité et à la diversification de la classe politique, il faut porter une attention particulière à la constitution des régions électorales. Ces régions électorales sont en fait des circonscriptions plurinominales et leur objectif est de servir le processus électoral en distribuant les sièges équitablement sur le territoire, par des listes régionales. Comparativement à l’utilisation de circonscriptions uninominales locales, les circonscriptions plurinominales régionales sont nécessairement plus grandes, ce qui ne signifie pas qu’elles soient non significatives pour la population. Les régions électorales peuvent tenir compte des régions administratives, mais leurs territoires étant inégaux, en termes de population électorale et donc en sièges occupés, les utiliser sans réajustements n’assurerait pas un respect équitable des populations de toutes les régions.

S’il est important que des règles de découpage des circonscriptions uninominales s’assurent que chaque personne élue représente environ le même nombre de votants[1], l’égalité du vote doit aussi être respectée dans le découpage de régions plurinominales. Il en va de même avec la proportionnalité du résultat: les votes dans une région électorale composée de 25 sièges se traduiront avec davantage de proportionnalité que s’ils sont exprimés dans une région électorale de 5 sièges. Il s’agit donc de trouver un équilibre entre le respect des principes et la réalité, en km2 des territoires dont on parle.

Que l’on soit dans un système de liste, un système mixte ou un vote unique transférable, la proportionnalité dépend du nombre de sièges de chaque région électorale. Plus le nombre de sièges est élevé, moins il y aura de votes perdus et moins il y aura d’entraves à la représentation de tous les partis. Par exemple, pour le même pourcentage de votes obtenus, un parti obtiendra un nombre différent de sièges selon la division du territoire.

Dans un système proportionnel mixte compensatoire, le respect des régions dépend beaucoup du type de compensation. Ainsi, utiliser les résultats du plus grand ensemble possible pour déterminer le nombre de sièges que chaque parti doit occuper offre une meilleure proportionnalité qu’en fractionnant ce nombre. L’utilisation de la compensation nationale peut ainsi produire un indice de moins de 1 et ce, pour l’ensemble de la population.. Cependant, si la compensation se fait à partir de chacun des résultats régionaux, la population des régions moins populeuses n’aura pas droit au même respect de son vote que dans les régions très peuplées, passant par exemple d’un ndice de distorsion de 2 pour une région de 20 sièges, à un indice de 7 pour une région de 7 sièges.

[1] Comme actuellement, des circonscriptions d’exceptions (ex. Îles-de-la-Madeleine) sont prévues lorsque la population électorale ne peut atteindre la moyenne des autres circonscriptions.

Voir la page des propositions de l’autrice, le document réunissant les aide-mémoire et les propositions, de même que la documentation qu’elle partage en lien avec le respect de la population de toutes les régions ou territoires, notamment de ses opinions politiques, en particulier :

Sur la situation actuelle :

Sur les possibilités offertes :

Pour en savoir plus, voir : Mercédez Roberge, Des élections à réinventer, 2019, Montréal, Éditions Somme toute, 408 pages.