Projet de loi no 39 « Loi établissant un nouveau mode de scrutin » : Une première analyse décevante

La ministre responsable des Institutions démocratiques, de la Réforme électorale et de l’Accès à l’information, madame Sonia Lebel, a déposé ce matin le projet de loi no 39 « Loi établissant un nouveau mode de scrutin ».

Une première lecture du projet de loi (voir l’encadré qui suit) laisse voir qu’il ne rencontre pas les 5 objectifs suivants:

  1. Le respect de la volonté populaire
  2. Le respect du pluralisme politique
  3. Le respect des éléments constitutifs d’une société
  4. Le respect de la population de toutes les régions ou territoires, notamment de ses opinions politiques
  5. Le lien entre les personnes élues et la population

En effet, les capacités du modèle proposé de compenser pour les distorsions découlant de la portion majoritaire du mode de scrutin mixte sont très amoindries par plusieurs éléments reliés, notamment en répartissant les sièges régionaux et les sièges de circonscriptions dans les 17 régions administratives, sans les adapter à l’usage électoral.

Ce grand nombre de régions électorales, et le fait que la population soit très variable d’une région administrative à l’autre produirait une proportionnalité variable selon le lieu de résidence; les populations des régions peu populeuses ne seraient pas traitées équitablement, puisque leurs votes seraient moins respectés que celles habitant dans les grands centres. Prendre les résultats régionaux comme cible pour la compensation occasionnerait d’ailleurs encore un très grand nombre de votes perdus, alors que l’utilisation des résultats nationaux n’aurait pas ce grand désavantage, tout en distribuant les sièges régionaux par des listes régionales. Qui plus est, des régions pourraient ne compter qu’un seul siège de compensation, ce qui ne permettrait évidemment pas de corriger pour les distorsions résultant des sièges élus selon le mode majoritaire.

Quant à permettre que toutes les personnes comptent, le projet de loi ne permettra pas d’atteindre la parité à l’Assemblée nationale. Le projet de loi ne demande aux partis que de se fixer leurs propres objectifs et d’en faire rapport au DGEQ avant les élections. La déception est donc grande à cet égard en plus du fait que le projet de loi ne contient rien pour augmenter l’élection de personnes racisées ou nées à l’étranger, pas plus que des jeunes et des autochtones, malgré l’affirmation en introduction « CONSIDÉRANT qu’il y a lieu de favoriser davantage la présence, parmi les députés, notamment des femmes, des jeunes et des personnes issues de la diversité; »

En le déposant son projet de loi avant le 1er octobre 2019, le gouvernement de la Coalition avenir Québec a rempli la première partie de son engagement électoral, ainsi que l’entente transpartisane qu’il a signée le 8 mai 2018 et qui lie son parti en plus du Parti québécois, du Parti vert du Québec et de Québec solidaire, mais il ne remplit pas les autres engagements de cette entente, quant aux résultats à atteindre, ni quant à la promesse que l’élection de 2022 se ferait sous ce nouveau mode de scrutin.

Il faudra le lui signifier fermement lors de la consultation parlementaire qui viendra.

GRANDES LIGNES DU PROJET DE LOI NO 39

  • 125 sièges au total répartis dans 17 régions électorales, soit les 17 régions administratives.
  • 80 sièges de circonscriptions et 45 sièges de compensation par des listes régionales.
  • 2 bulletins de vote distincts : un pour le siège de la circonscription et un pour la liste régionale du parti de son choix ou pour une candidature indépendante.
  • Attribution des sièges régionaux (compensation) en fonction du pourcentage de vote que chaque parti aura obtenu dans la région.
  • Interdiction de poser sa candidature pour un siège de circonscription et de figurer sur la liste régionale.
  • Obtenir au moins 10% de vote à l’échelle du Québec, pour se qualifier à la compensation.
  • Le DGEQ doit recevoir de chaque parti un énoncé quant aux objectifs de parité qu’il se fixe et recevoir, au plus tard 12 jours avant les élections, leurs rapports quant à l’atteinte de leurs objectifs.
  • Référendum aux élections générales de 2022 , par la question suivante : « Êtes-vous en accord avec le remplacement du mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour par le mode de scrutin mixte avec compensation régionale prévu par la Loi établissant un nouveau mode de scrutin? » un oui majoritaire entraînant l’entrée en vigueur des modifications de la Loi le 1e jour de la 43e législature.- la question sera dans le projet de loi. 80 sièges de circonscriptions.

Pour procéder à VOTRE analyse du projet de loi voir le document réunissant les aide-mémoire et mes propositions, de même que la documentation partagé.

NOTE:

  • Il est facile de se perdre dans les 227 articles (90 pages) du  projet de loi 39, car la majorité visent à adapter les articles de la Loi électorale actuelle à l’utilisation des sièges de régions. Il s’agit par exemple, d’adapter les règles de constitution de la liste électorale permanente, le processus de délimitation des circonscriptions, le financement public, le dépôt des candidatures, le rôle du DGEQ avant, pendant et après le jour de l’élection, le vote par anticipation, le dépouillement des votes, etc.
  • Pour faciliter l’analyse, j’ai produit un document de 16 pages réunissant des extraits du projet de loi, soit uniquement les articles qui contiennent les informations permettant de voir les caractéristiques du mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire proposé.