10 Le pluralisme politique de la société : les barrières de l’Assemblée nationale

Ce texte fait partie de Élections québécoises 2022 et précédentes : S’indigner et remplacer le système électoral, une recherche de Mercédez Roberge, mise en ligne en octobre 2024. Téléchargez le document complet pour accéder plus facilement aux données des figures et des tableaux et consultez la table des matières.

Lorsque diverses options politiques circulent dans une société, il est normal de s’attendre à ce que celles récoltant un nombre important de votes participent aux décisions collectives. Si, dans le SMU1T, le nombre de partis en lice fourni ce qu’on pourrait appeler « l’offre politique », les portes de l’Assemblée nationale ne sont ouvertes qu’à ceux qui concentrent suffisamment leurs appuis pour remporter un siège de circonscription. Évaluer le respect du pluralisme politique demande donc surtout de considérer le nombre de partis représentés et la répartition sur le territoire.

Dans le SMU1T, le nombre de partis en lice est très éloigné du nombre de ceux qui siègent à l’Assemblée nationale. N’étant pas conçus pour respecter tous les votes, mais uniquement ceux des partis vainqueurs, les votes désignant des partis récoltant peu de votes ne comptent tout simplement pas. Or, quel que soit le nombre de votes qu’ils recueillent, tous les partis politiques existent parce que des personnes les créent et que d’autres les choisissent lors des élections. Un système qui empêche la représentation des partis, qui ne concentrent pas suffisamment leurs appuis dans des circonscriptions, défavorise le pluralisme politique.

10.1 Le pluralisme politique de la population québécoise n’est pas représenté

Avec un nombre record de 21 partis en lice, les élections de 2022 se distinguent des autres, puisque seulement 9 élections ont compté plus de 10 partis depuis 1867, atteignant 18 partis lors des 3 élections précédentes. Cependant, seulement 4 partis sur ces 21 ont décroché des sièges en 2022.

Depuis 1867, seulement 11 des 43 élections ont permis à 4 partis d’obtenir des sièges, comme en 2022, et ce nombre n’a atteint 5 partis que 3 fois, ainsi qu’on peut le constater par le tableau 16. Nous sommes encore tellement habitués à ne retrouver qu’une moyenne de 3 partis à l’Assemblée nationale, que d’en voir siéger un de plus nous donne la fausse impression d’avoir atteint le pluralisme politique.

Soulignons qu’à la suite des 6 dernières élections, seule celle de 2007 a permis à 3 partis d’obtenir des sièges, alors qu’on a compté 4 partis lors des 5 autres élections. Mais outre les sièges occupés par le parti gouvernemental et par l’opposition officielle, les partis supplémentaires se sont partagé bien peu de sièges, allant de 8 (2008) à 36 (2007), pour une moyenne de 20 sièges depuis 2007.

10.2 Le pluralisme politique des régions est camouflé par le système

Tout relatif soit-il au niveau national, le pluralisme politique est loin d’être une réalité régionale, ainsi qu’il est démontré au tableau 17. Seule la population de la région de l’Île-de-Montréal dispose d’un caucus régional formé de quatre partis, ce qui ne s’était d’ailleurs produit auparavant qu’en 1935.

À l’opposé, à chaque élection depuis 2007 on retrouve de 5 à 9 régions dont les caucus ne sont que d’une seule couleur, le record de 9 régions ayant été atteint en 2022, comme on l’a vu précédemment en examinant la monopolisation du pouvoir. Obtenir une représentation régionale de plus de 2 partis est même plutôt exceptionnel dans notre système, les populations de seulement 4 régions l’ayant vécu lors des élections de 2007 à 2018. Dans tous les cas, les votes exprimés dans ces régions sont bien plus colorés que ce que laisse voir la répartition des sièges régionaux.

10.3 Nombre de partis obtenant des sièges versus le pluralisme politique de la société : Faits saillants des élections de 2022 et autres constats

  • Malgré le record de 21 partis en lice, seulement 4 partis ont obtenu des sièges en 2022. Depuis 1867, 11 élections ont mené à l’élection de 4 partis, tandis que 5 partis ont obtenu des sièges lors de 3 élections seulement.
  • Les votes exprimés dans toutes les régions sont bien plus colorés que ce que laisse voir la répartition des sièges régionaux. Seule la population de Montréal a accès à 4 partis politiques, ce qui d’ailleurs ne s’était produit qu’en 1935. Depuis 2007, les caucus ne sont que d’une seule couleur dans 5 à 9 régions. Obtenir une représentation régionale de plus de 2 partis est exceptionnel, les populations de seulement 4 régions l’ayant vécu lors des élections de 2007 à 2018.
  • Alors que le pluralisme politique existe dans la société, son développement et son expression sont bloqués par le SMU1T.
  • Un système proportionnel mixte compensatoire bien conçu permettrait de respecter le pluralisme politique du Québec, puisque les partis obtenant des sièges refléteraient les choix de la population. Le développement des partis politiques ne serait ni favorisé ni bloqué par le système électoral, mais découlerait de leurs actions et orientations.

Compléments

14.1  Informations de base sur le fonctionnement du système majoritaire uninominal à 1 tour
14.2  Portraits des élections de 2022 pour chacune des régions
14.3  Mises en contexte historiques des résultats régionaux et nationaux des élections de 2022 selon les indicateurs de représentation
14.4  Analyse du projet de loi 499, déposé en octobre 2023, par Québec solidaire, en collaboration avec le Parti québécois

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Liste des figures
Lexique
Bibliographie