Ce texte fait partie de Élections québécoises 2022 et précédentes : S’indigner et remplacer le système électoral, une recherche de Mercédez Roberge, mise en ligne en octobre 2024. Téléchargez le document complet pour accéder plus facilement aux données des figures et des tableaux et consultez la table des matières. |
Dans le système actuel, il suffit d’un vote de plus que le plus proche rival pour remporter le siège d’une circonscription. La victoire a la même valeur, que ce soit par une majorité de 10 ou de 10 000 votes, et ce, quel que soit le pourcentage de cette majorité sur le nombre de votes exprimés. Ainsi, un gouvernement formé par l’addition d’un grand nombre de victoires obtenues par de minces majorités devrait y voir le signe d’un appui mitigé. Une circonscription remportée par une majorité de moins de 10%, face aux votes du plus proche concurrent, sera considérée comme une victoire obtenue par une mince majorité.
Dans tout système électoral il existera toujours des courses plus serrées que d’autres, mais dans le contexte d’une SMU1T, ces minces victoires illustrent à quel point ce système n’est axé que sur le nombre de circonscriptions gagnées, faisant fi des votes exprimés.
À chaque élection, plusieurs sièges sont obtenus grâce à une majorité de moins de 10% des votes. Alors que ces victoires serrées fournissent une information importante sur le pluralisme politique exprimé dans une circonscription, elles doivent aussi être globalement prises en compte pour relativiser la force des mandats des partis ayant obtenu des sièges. En effet, si une circonscription est remportée par une majorité de 10% et moins, c’est parce que les autres candidatures y ont obtenu de larges parts des votes, exprimant un pluralisme politique camouflé par le résultat.
Or, les données sur les victoires serrées sont généralement bien vite oubliées. On peut comprendre que ni les partis ni les personnes élues concernées ne souhaitent rappeler, pendant 4 ans, la fragilité de leurs victoires, mais cela n’explique pas le peu d’intérêt des médias à les garder dans la mémoire collective.
11.1 Le quart des votes pour de minces victoires
Les sièges remportés par une majorité de moins de 10% des votes valides représentent une part impressionnante de votes exprimés et le nombre de circonscriptions touchées n’est pas marginal. Alors qu’elles résultent de conjonctures spécifiques à des circonscriptions, ces victoires colorent la représentation de régions entières, mais elles ne sont pas exclusives aux élections de 2022, tel qu’exposé par le tableau 18
Lors des élections de 2022, le quart des votes valides, soit ceux de 1 030 940 personnes, ont permis de remporter les 23 circonscriptions, soit près d’une circonscription sur 5. Ces minces victoires ont permis à la CAQ de remporter 12 sièges, au PLQ d’en obtenir 6, à QS d’en décrocher 4 et au PQ d’en avoir 1.
Comparativement, un plus grand nombre de circonscriptions (33) et de régions (13) ont été remportées par une majorité de moins de 10% des votes valides aux élections de 2018. Cependant, un nombre inférieur de votes a fait la différence entre remporter ou non une circonscription, soit 920 598 personnes (23% des votes valides).
Les exemples varient selon les élections, mais des sièges sont remportés par de minces majorités et l’analyse politique n’en tient pas souvent compte.
11.2 Des victoires par minces majorités dans 8 régions
Puisqu’il ne faut qu’un vote de plus que la personne en 2e place pour remporter le siège d’une circonscription, sous le SMU1T il est inévitable que des victoires résultant de minces majorités colorent la représentation régionale. Dénombrer ces circonscriptions permet non seulement de relativiser l’intensité du bleu caquiste ayant recouvert la carte du Québec en 2022, mais, surtout, de se souvenir que le message exprimé par l’électorat est bien plus nuancé qu’à première vue.
Les 23 circonscriptions qui ont été remportées par moins de 10% de majorité en 2022 sont réparties dans 8 régions, pour des proportions de 18% à 83% des sièges régionaux, comme le résume le tableau 19. Mais deux régions sont plus sévèrement touchées, puisque 2 des 3 sièges de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine ont été remportés de cette façon, alors que ce fut le cas pour 5 des 6 circonscriptions de la région de Laval, et ce, tant en 2022 qu’en 2018.
La situation est moins frappante en 2022 qu’en 2018, alors que 13 régions étaient partiellement représentées par des personnes ayant remporté leurs sièges de justesse et que 5 régions avaient vu la moitié ou plus de leurs sièges être remportés par de minces majorités.
Il n’est pas non plus banal de constater que 7 régions ont compté des sièges remportés par de minces majorités, autant en 2018 qu’en 2022, tandis que cela ne s’est pas produit pour seulement 3 régions (Centre-du-Québec, Lanaudière et Mauricie).
En 2022, le tiers des sièges remportés par de minces majorités l’ont même été par moins de 2% des votes, pour des majorités entre 202 et 654 votes, comme détaillé au tableau 20. Les régions de Chaudière-Appalaches, Laval et la Montérégie comptent chacune 2 circonscriptions dans cette situation, tandis que Montréal n’en compte qu’une. Ce ne sont donc que 3 052 votes qui ont permis l’élection de 7 sièges.
11.3 Nombre de circonscriptions remportées par de minces majorités : Faits saillants des élections de 2022 et autres constats
- Aux élections de 2022, 23 circonscriptions ont été remportées par moins de 10% des votes, équivalant au quart des votes valides; 7 sièges ont été remportés par moins de 2% des votes, pour un total de 3 052 votes.
- Ces circonscriptions se situent dans 8 régions, y remportant entre 18% et 83% des sièges.
- La représentation de 2 régions a été particulièrement modifiée par ces victoires serrées, soit la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, où 2 des 3 sièges ont été remportés par de minces majorités, ce qui est également le cas de 5 des 6 sièges de Laval.
- Aux élections de 2018, les 33 circonscriptions gagnées par de minces majorités étaient réparties dans 13 régions, dont 5 dans des proportions allant de 67% à 100% des sièges régionaux.
- Les victoires remportées par de minces majorités sont des réalités qu’on ne peut empêcher, mais elles illustrent l’image même du SMU1T, où le gagnant remporte tout. Dans le contexte québécois, l’instauration d’un système proportionnel mixte compensatoire bien conçu permettrait de limiter les conséquences des sièges gagnés par peu de votes, puisque la répartition des sièges de l’Assemblée nationale reflèteraient la volonté populaire globale.
Compléments
14.1 Informations de base sur le fonctionnement du système majoritaire uninominal à 1 tour
14.2 Portraits des élections de 2022 pour chacune des régions
14.3 Mises en contexte historiques des résultats régionaux et nationaux des élections de 2022 selon les indicateurs de représentation
14.4 Analyse du projet de loi 499, déposé en octobre 2023, par Québec solidaire, en collaboration avec le Parti québécois
Liste des tableaux
Liste des figures
Lexique
Bibliographie