3 L’indice de distorsion : des valeurs très élevées – comme d’habitude

Ce texte fait partie de Élections québécoises 2022 et précédentes : S’indigner et remplacer le système électoral, une recherche de Mercédez Roberge, mise en ligne en octobre 2024. Téléchargez le document complet pour accéder plus facilement aux données des figures et des tableaux et consultez la table des matières.

L’indice de distorsion, aussi connu sous le nom de « Indice de Gallagher » ou « Méthode des moindres carrés/Least Square Index » est un indicateur éloquent pour accorder une note globale aux distorsions d’une élection, plutôt qu’un parti à la fois. Développé par le politologue et professeur irlandais Michael Gallagher, l’indice de distorsion donne une valeur à la distorsion d’une élection dans sa globalité (et non un parti à la fois). Cette note peut ensuite être comparée à celle obtenue par une autre élection, ou pour un autre territoire. Plus le chiffre est élevé, plus la distorsion est forte entre les votes exprimés et la représentation obtenue. Le calcul de l’Indice de distorsion équivaut à établir la distorsion globale moyenne d’une élection en combinant chacun des écarts de représentation vécus par chaque parti ayant obtenu des votes, qu’ils remportent ou non un siège.

L’analyse des résultats des élections récentes dans 129 pays permet de constater l’impact du système électoral utilisé sur l’indice de distorsion obtenu. La différence est notable entre les deux familles de système électoral, la proportionnelle et la majoritaire, ce qui n’est pas surprenant étant donné qu’elles ont des objectifs différents : la première visant le respect de la volonté populaire alors que la deuxième vise à dégager une majorité de sièges, sans rechercher le respect de la volonté populaire.

Les distorsions que nous vivons découlent du système lui-même. Ce n’est donc pas un hasard si l’indice de distorsion moyen des élections sous des systèmes majoritaires atteint entre 14,6 et 21,8 selon les données compilées par Michael Gallagher[1] et présentées dans le tableau 3. Ce n’est donc pas un hasard non plus si l’indice de distorsion des élections québécoises de 2022 est élevé. Mais un taux de 25,8 est vraiment excessif, correspondant à près du double de la moyenne des pays utilisant le SMU1T, selon l’indice obtenu lors de leur plus récente élection, à l’époque de celle tenue au Québec. L’indice de distorsion québécois est même 4 fois plus élevé que celui des 93 pays de la famille proportionnelle, lesquels ont un l’indice moyen de 6,6.


[1] Michael Gallagher ne documente pas tous les pays.

Sources : résultats selon Élections Québec. Compléments et calculs par l’autrice.

Outre par les moyennes, c’est par le nombre de pays dont l’indice de distorsion est bas, moyen et élevé qu’on constate l’ampleur de la différence entre les modes de scrutin, comme illustré par la figure 2. À la fin de l’année 2022, la moitié des pays utilisant un mode de scrutin de la famille majoritaire, soit 18 des 36 pays de cet échantillon, atteignait des indices de 15 et plus lors de leurs plus récentes élections. La situation est très différente chez ceux de la famille proportionnelle, puisque 87 des 93 pays de l’échantillon obtenaient alors des indices ne dépassant pas 14..

Le cas de la Nouvelle-Zélande, présenté par la figure 3, illustre d’ailleurs très bien l’effet du système électoral sur l’indice de distorsion, celui-ci ayant chuté en 1996, soit dès la première élection suite à l’instauration d’un système proportionnel mixte compensatoire. Partant d’un indice moyen de distorsion de 12,2, pour les élections de 1950 à 1993, et même de 18,2 pour ces dernières élections, les élections de 1996 ont obtenu un indice de 3, taux s’étant maintenu pour les 8 élections qui suivirent.

3.1 Un indice national de distorsion aussi haut que lors de 10 élections

La comparaison avec les indices de distorsion d’autres pays montre l’immensité du nôtre, pour une moyenne de 18,8 depuis 1867, comme l’illustre la figure 4. Mais le taux de 25,77 des élections de 2022 ne constitue malheureusement pas un record, puisqu’un tel taux a été atteint lors de 10 élections québécoises, allant même jusqu’à 35,1 en 1900 et 33,7 en 1948.


Compléments

14.1  Informations de base sur le fonctionnement du système majoritaire uninominal à 1 tour
14.2  Portraits des élections de 2022 pour chacune des régions
14.3  Mises en contexte historiques des résultats régionaux et nationaux des élections de 2022 selon les indicateurs de représentation
14.4  Analyse du projet de loi 499, déposé en octobre 2023, par Québec solidaire, en collaboration avec le Parti québécois

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Lexique
Bibliographie


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