Ce texte fait partie de Élections québécoises 2022 et précédentes : S’indigner et remplacer le système électoral, une recherche de Mercédez Roberge, mise en ligne en octobre 2024. Téléchargez le document complet pour accéder plus facilement aux données des figures et des tableaux et consultez la table des matières. |
Lorsqu’il y a totale inadéquation entre le pourcentage de votes et les sièges occupés, soit quand un parti occupe un rôle qui ne correspond pas à la volonté populaire exprimée, on est devant un reversement de la volonté populaire. La situation est particulièrement frappante lorsque le gouvernement est formé du parti arrivé 2e en nombre de votes, mais cela est aussi problématique si l’opposition officielle est formée par le parti arrivé 3e ou 4e, ainsi que lorsque des renversements se produisent quant aux résultats régionaux. Que la différence soit grande ou non, il n’est pas normal que les responsabilités parlementaires ne suivent pas l’ordre de préférence exprimé par les votes. À chaque élection, nous risquons que le parti 1er en votes ne forme pas le gouvernement ou que l’opposition officielle ne soit pas constituée par le parti ayant remporté la 2e place en nombre de votes. Ces manifestations sont tellement graves qu’aucun euphémisme ne peut être utilisé : la volonté populaire est renversée.
Un 4.1 Un 7e renversement de la volonté populaire nationale
Les élections de 2022 entrent dans le groupe peu glorieux des 7 élections, présentées au tableau 6, où un renversement de la volonté populaire s’est produit. C’est en effet ainsi que l’on doit nommer le fait que PLQ forme l’opposition officielle, alors qu’il est 4e en votes, tout comme cela s’est produit en 1970, au profit de l’Union nationale. Ces renversements de rôle s’ajoutent aux 5 cas plus connus, soit lorsque le parti arrivé 2e en votes a formé le gouvernement (1886, 1890, 1944, 1966 et 1998).
4.2 La population de deux régions voit sa volonté renversée
Le dysfonctionnement de notre système électoral à l’échelle régionale s’illustre également lorsqu’on vérifie si l’ordre de préférence de la population a été respecté dans la répartition des sièges de la région. Lorsque la répartition des sièges régionaux ne suit pas l’ordre de préférence exprimé par les votes, on ne peut que conclure que la volonté populaire régionale a été renversée.
En 2022, deux régions ont souffert du phénomène. Même s’il est arrivé 4e en nombre de votes en Montérégie, le PLQ a partagé le pouvoir régional avec la CAQ, tandis que le PQ, pourtant arrivé 2e en votes, n’a obtenu aucun siège. Dans la Capitale-Nationale, l’opposition régionale de la CAQ est formée par QS, alors que le PCQ, 2e en nombre de votes, n’obtient pas de siège.
Que le PLQ soit au 4e rang en termes de votes n’est pas étranger au fait que dans 15 régions, il n’a recueilli qu’entre 2,8% et 21,3% des votes. Qui plus est, ses 21 sièges ne se retrouvent que dans 4 régions : Montréal (16/25 sièges), Laval (2/6 sièges), Montérégie (2/23 sièges) et l’Outaouais (1/5 sièges). L’opposition officielle libérale est donc absente dans les trois quarts des régions du Québec, mais à l’Assemblée nationale elle a énormément plus de pouvoir que les deuxième et troisième groupes d’opposition.
De 2007 à 2022, les populations de 10 régions ont subi au moins un renversement de leur volonté populaire, dont 6 l’ayant vécu lors de 2 et même de 3 élections, comme ce fut le cas en Montérégie et en Estrie, ce que détaille le Tableau 7.
4.3 Les renversements de la volonté populaire : Faits saillants des élections de 2022 et autres constats
- Les élections de 2022 présentent le 7e renversement des rôles depuis 1867, l’opposition officielle n’étant pas formée par le parti arrivé 2e, soit Québec solidaire (QS), mais par celui arrivé 4e en nombre de votes, soit le Parti libéral du Québec (PLQ). Ce décalage entre les votes obtenus et le rôle occupé se constate aussi dans le portrait des résultats régionaux, le PLQ n’ayant obtenu des sièges que dans 4 régions.
- Dans 2 régions, la répartition des sièges régionaux n’a pas suivi l’ordre de préférence exprimé par les votes, ce qui n’est pas non plus une situation exceptionnelle, les populations de 10 régions ayant vécu entre 1 et 3 renversements de la volonté populaire régionale durant les 6 élections tenues depuis 2007.
- Dans une démocratie il n’est pas normal d’accepter que la volonté populaire puisse être renversée, que ce soit régionalement ou nationalement.
- Un système proportionnel mixte compensatoire bien conçu mettrait fin aux renversements de la volonté populaire, puisque chaque parti occuperait le nombre de sièges demandé par les votes. Lorsqu’aucun parti n’obtient la majorité des sièges, il est alors normal de former un gouvernement de coalition où chaque parti joue le rôle qui découle des appuis reçus.
Compléments
14.1 Informations de base sur le fonctionnement du système majoritaire uninominal à 1 tour
14.2 Portraits des élections de 2022 pour chacune des régions
14.3 Mises en contexte historiques des résultats régionaux et nationaux des élections de 2022 selon les indicateurs de représentation
14.4 Analyse du projet de loi 499, déposé en octobre 2023, par Québec solidaire, en collaboration avec le Parti québécois
Liste des tableaux
Liste des figures
Lexique
Bibliographie