Historique – section B . Au Québec, un parcours composé de marathons et de sprint – chapitres 7-8

7- 2010 – 2013 : consensus pour un modèle précis

Depuis sa fondation, le Mouvement démocratie nouvelle s’était imposé de ne pas militer en faveur d’un modèle précis, mais en fonction des 5 principes et d’objectifs à atteindre. Or, l’absence de considération, de la part du gouvernement, du rapport de 2007 du DGEQ amène le MDN à revoir ses stratégies. À compter de 2010, il prend un tournant important en lançant un processus qui le mènera, en mai 2011, à proposer un modèle précis, soit un « mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire pourvu de mécanismes pour améliorer toutes les facettes de la représentation [1]».

Sous le nom «Solution démocratique», le modèle consiste en un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire pour élire environ 128 sièges, soit le nombre de sièges qui semblait alors nécessaire pour ajuster la carte électorale à la répartition de la population sur le territoire québécois.

Pour élaborer sa proposition, le MDN rassemble les éléments consensuels issus des demandes formulées devant la Commission spéciale sur la Loi électorale (2005-2006), et repris par le Directeur général des élections dans son avis de 2007. Jusqu’en 2013, il produit des documents expliquant son fonctionnement et sollicite des appuis par la campagne « Solution démocratique ». Plus de mille personnes et organisations syndicales et communautaires cosigneront la proposition ou lui donneront un appui de principe, les deux options étant prévues pour tenir compte des différentes étapes de cheminement.

  • Extrait du cahier de présentation du modèle « Solution démocratique », avril 2011

EN RÉSUMÉ

  • Un mode de scrutin mixte compensatoire combinant ± 78 sièges de circonscription et± 50 sièges de compensation
  • Un nombre de sièges fixe de± 128 avec un ratio (national et régional) de 60-40
  • Une compensation nationale et une distribution régionale des sièges de compensation
  • Des listes régionales fermées établies selon les procédures propres à chaque parti, dans le respect des balises régies parle DGEQ (dont le nombre et le positionnement sur les listes).
  • Le bulletin à deux votes : un premier pour le siège de circonscription et un second pour les sièges de compensation.
  • La double candidature est permise : les candidates et les candidats peuvent se faire connaître durant la campagne électorale tant pour remporter un siège de circonscription qu’un siège de compensation.
  • Des mesures structurantes et des mesures financières pour une représentation égalitaire entre les femmes et les hommes ainsi que pour une juste représentation de la diversité ethnoculturelle.
  • Un seuil minimal : pour obtenir au moins un siège de compensation, un parti doit obtenir entre 3% et 5% des votes.
  • • La méthode de calcul de Hare pour répartir équitablement les sièges de compensation.

Après avoir produit une multitude de documents expliquant le fonctionnement et effectué de nombreuses démarches pour susciter la participation, au 27 juillet 2014, Solution démocratique est signé par 836 personnes et organisations en plus de compter sur l’appui de principe de 278 personnes et organisations, les deux options étant prévues pour tenir compte des différentes étapes de cheminement. La campagne réunit des gens et des groupes de toutes les régions du Québec regroupant plus d’un million de personnes!

Malgré que l’objectif de l’action était de déposer au gouvernement le modèle Solution démocratique pour fin de discussion, ce qui ne semble pas avoir été fait.  L’entente signée par les 4 partis politiques en mai 2018 ne réfère d’ailleurs pas à cette démarche du MDN.

8- 2016 – 2018 : reprise de la marche

En 2016, le Mouvement démocratie nouvelle (MDN) lance une campagne intitulée « Chaque voix compte ». Il entame aussi des discussions avec tous les partis, sollicitant leur engagement à mettre en oeuvre les consensus exprimés, depuis 2001, mais en particulier ceux repris par le Directeur général des élections en 2007.

Au bout de ce processus, le Parti québécois, la Coalition avenir Québec, Québec solidaire et le Parti vert du Québec signent une déclaration commune le 9 mai 2018. Bien qu’il ait participé aux premières rencontres, le Parti libéral du Québec ne signe pas l’entente, Philippe Couillard affirmant même qu’il s’y opposera, ce pour quoi il annonce qu’il demandera de tenir un référendum ou d’obtenir l’unanimité des partis[2].

L’entente ne réfère pas à la démarche précédente du MDN, mais uniquement au «mode de scrutin semblable à celui étudié et avalisé par le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) dans son avis de décembre 2007». Les quatre partis s’engagent donc «à travailler ensemble, sur la base des 6 principes», soit:

«Refléter le plus possible le vote populaire de l’ensemble des Québécoises et des Québécois.

Assurer un lien significatif entre les électeurs-trices et les élu-e-s.

Viser le respect du poids politique des régions.

Favoriser la stabilité du gouvernement par des mesures encadrant les motions de censure.

Offrir un système accessible dans son exercice et sa compréhension.

Contribuer à une meilleure représentation des femmes, des jeunes et des communautés ethnoculturelles[3]

Durant cette période, la représentation des femmes fait par ailleurs l’objet de plusieurs interventions de la part du Groupe femmes politique et démocratie (GFPD). Organisme de pression et de formation centré sur l’atteinte de la parité dans les instances démocratiques québécoises, l’intérêt du GFPD envers le mode de scrutin fluctue depuis sa fondation en 1998. Lors de la consultation sur l’avant-projet de loi déposé en 2004, il fait partie des groupes féministes revendiquant qu’il produise des résultats proportionnels et qu’il intègre des mesures plus fortes pour atteindre la parité, notamment l’alternance sur les listes. En 2018, par la déclaration «En marche pour la parité», le GFPD revendique, indépendamment du mode de scrutin, une loi sur la parité axée sur les candidatures, visant à obliger les partis politiques à présenter des candidatures «dans une zone de parité d’au moins 40% de femmes et d’hommes et d’au plus 60% de femmes et d’hommes». C’est en vertu de cette «zone paritaire» que les médias ont fait le suivi des candidatures durant la campagne électorale de 2018 et que le gouvernement s’est félicité d’avoir atteint la parité, avec 42% de femmes élues. La perspective de remplacement du mode de scrutin amène le GFPD à mettre à jour ses positions en 2019, mais cette fois en réclamant des listes fermées, en plus de l’alternance femmes-hommes sur la portion du scrutin de listes, et que les partis présentent entre 45% et 55% de femmes et d’hommes pour les candidatures des sièges de circonscription[4].

En mai 2019, le GFPD met en branle, avec le MDN, le rassemblement d’une douzaine d’organisations, surtout syndicales et féministes, autour d’une position commune déclarant la «parité indissociable de la réforme du mode de scrutin». Les organisations réclament ainsi que le projet de loi promis intègre «des mesures concrètes et vérifiables quant à l’atteinte de la parité» et des «mesures favorisant la diversité des candidatures[5]».

 

[1] Mouvement démocratie nouvelle, Solution démocratique, Saisissons l’occasion: signons la proposition d’un nouveau mode de scrutin, cahier résumé et cahier détaillé, avril 2011

  • Cahier résumé: https://www.mercedezroberge.ca/wp-content/uploads/2022/12/2011-solution-democratique-proposition-du-MDN-resume.pdf
  • Cahier détaillé: https://www.mercedezroberge.ca/wp-content/uploads/2022/12/2011-solution-democratique-proposition-du-MDN.pdf
  • Tract de juillet 2012: https://www.mercedezroberge.ca/wp-content/uploads/2022/12/2012-07-tractSolutionDemocratique.pdf
  • Présentation et signataires en août 2011: https://www.mercedezroberge.ca/wp-content/uploads/2023/02/PresentationSolutionDemocratiqueAout2011.doc
  • Présentation résumée des scénarios: https://www.mercedezroberge.ca/wp-content/uploads/2022/12/2011-solution-democratique-proposition-du-MDN-RESUMEScenarios.pdf
  • Résultats en juillet 2014: https://www.mercedezroberge.ca/wp-content/uploads/2024/04/2014-07-Presentation-resultats-SolutionDemocratique.doc 

[2] «Couillard veut un référendum sur le mode de scrutin», Le Devoir, 25 septembre 2018.

[3] Déclaration signée le 9 mai 2018 Réforme du mode de scrutin au Québec: le PQ, la CAQ, QS et le PV s’engagent à agir ensemble.

[4] Groupe femmes politique et démocratie, Manifeste en faveur de la représentation paritaire des femmes et des hommes à l’assemblée nationale, avril 2018, et Manifeste en faveur de la représentation paritaire des femmes et des hommes dans la réforme du mode de scrutin au Québec, janvier 2019.

[5] Conférence de presse: La parité indissociable de la réforme du mode de scrutin, 29 mai 2019.