9- Depuis 2019: la suite
Durant la campagne électorale de 2018, le Parti québécois, la Coalition avenir Québec, Québec solidaire et le Parti vert du Québec se sont donc engagés à déposer un projet de loi proposant un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire avec listes régionales, au plus tard le 1er octobre 2019.
En janvier 2019, tant le premier ministre François Legault que les responsables du Parti québécois et de Québec solidaire ont continué d’affirmer leurs engagements de mettre en place un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire.
Cette entente est évidemment un événement important, surtout parce que les partis s’entendent sur un modèle en particulier. Mais avant de considérer que c’est chose conclue, il faut se souvenir que ce n’est pas la première fois que l’Assemblée nationale regroupe en majorité et même en totalité, des partis affirmant vouloir remplacer l’actuel mode de scrutin.
En 1984, au moment où René Lévesque a failli concrétiser la promesse inscrite dès son tout premier programme, le Parti québécois avait l’appui du Parti libéral du Québec, en la personne de Claude Ryan.
Entre 1996 et 2006, le Parti québécois, le Parti libéral du Québec et l’Action démocratique sont tous trois favorables au changement du mode de scrutin. Jean-Pierre Charbonneau, pour le PQ, et Jean Allaire, pour l’ADQ, sont alors au cœur des travaux entourant les États généraux, et le premier ministre Jean Charest promet de changer le mode de scrutin dans deux discours inauguraux, en plus de déposer un avant-projet de loi qui, avant d’être abandonné, a tout de même été porté par les ministres Jacques P. Dupuis et Benoît Pelletier.
9.1 Le projet de loi 39 « Loi établissant un nouveau mode de scrutin »
Le 25 septembre 2019, le gouvernement de François Legault dépose le projet de loi 39 « Loi établissant un nouveau mode de scrutin ». Tant au Québec qu’ailleurs au Canada, c’est la première fois qu’un gouvernement va aussi loin, par le dépôt d’un projet de loi.
Par ses 225 articles, il propose un modèle mixte, puisqu’il combine des sièges de circonscription et des sièges régionaux, mais dont la compensation proportionnelle est partielle. Bien qu’il affirme l’importance de la parité et de la diversité en préambule, il ne contient pas de mesures structurelles pour les atteindre, ne demandant aux partis que de se fier un objectif de femmes à élire et d’en faire rapport. Il contient aussi deux articles stipulant que la mise en application du nouveau système serait conditionnelle à ce que le oui l’emporte lors d’un référendum devant se tenir aux élections de 2022, et que la Loi sur la consultation populaire ne s’appliquerait pas à son déroulement.
Le projet de loi 39 en bref:
· Un total de 125 sièges : 80 sièges de circonscriptions et 45 sièges régionaux de compensation, tous répartis dans 17 régions électorales calquées sur les territoires actuels des régions administratives. · En raison des grandes variantes de densité démographique entre les régions administratives, le nombre total de sièges par région varieraient entre 1 et 6 sièges, dans le cas de 11 régions, et entre 7 et 24, dans le cas des 6 autres régions. · Au niveau national, le ratio de compensation n’atteint pas la norme de 60/40 : les sièges de circonscriptions représentant 64% du total versus 36% pour les sièges régionaux. Mais ce ratio ne sera même pas atteint dans les 7 régions il sera de 67/33. De plus, la région du Nord-du-Québec est exclue du mécanisme de compensation, puisqu’elle n’aura qu’un siège de circonscription et pas de siège régional. · 2 bulletins de vote distincts : un pour le siège de circonscription (choisir une personne selon le mode majoritaire) et un pour les sièges régionaux (choisir un parti avec sa liste régionale de candidatures). Les deux bulletins permettront aussi de choisir une candidature indépendante. · Attribution des sièges régionaux par des listes régionales fermées présentant entre 1 et 8 personnes* · Compensation régionale, soit en fonction du pourcentage de vote que chaque parti aura obtenu dans la région, mais selon une méthode qui favorisera les partis ayant déjà obtenu des sièges de circonscriptions. · Interdiction de poser sa candidature pour un siège de circonscription et de figurer sur la liste régionale. · Seuil légal pour qu’un parti se qualifie à la compensation d’au moins 10% de vote à l’échelle du Québec, en plus de seuils effectifs plus élevés dans les régions disposant de peu de sièges régionaux. · Aucune règle obligeant les partis à atteindre une représentation paritaire des femmes et des hommes, ni une représentation équitable des personnes racisées ou nées à l’étranger. · La seule exigence pour un parti est d’annoncer (en début de campagne) l’objectif qu’il se fixe en matière de candidates et de faire rapport (avant les élections) de l’atteinte ou non de son objectif, sans qu’aucun chiffre ne soit imposé. La facilité à répondre à cette exigence rend symbolique la sévérité de la conséquence en cas de manquement (un parti pourrait perdre son autorisation). · Un comité sera formé pour évaluer et formuler des recommandations à l’Assemblée nationale suite aux trois premières élections sous le nouveau mode de scrutin. Ce comité pourra intégrer à son analyse la question de la parité. · L’application du nouveau mode de scrutin à condition que le oui l’emporte à 50% + 1 vote lors d’un référendum se tenant en même temps que les élections générales de 2022; outre ces éléments, aucune règle n’est connue quant au déroulement de ce référendum, puisque le projet de loi stipule que la Loi sur la consultation populaire ne s’y appliquerait pas. * Selon les projections. |
Le 3 décembre le gouvernement annonce que la Commission des institutions tiendra une consultation sur le projet de loi en tenant 4 journées d’auditions les 22-23 janvier et 4-6 février 2020. En plus d’entendre le Directeur général des élections et le Conseil du statut de la femme, la Commission prévoit entendre une vingtaine d’organisations et une quinzaine de personnes, dont l’autrice de ces lignes.
Le 5 décembre 2019, le gouvernement dépose un amendement de 40 pages à son projet de loi. Celui-ci contient les 161 articles visant à fixer les règles référendaires, inventées pour l’occasion, en remplacement de la Loi sur la consultation populaire. Le référendum vise à faire valider le système électoral issu de l’adoption du PL39 simultanément aux élections d’octobre 2022.
9.1.1 Analyse du projet de loi 39
Du 22 janvier au 6 février 2020, la Commission des institutions reçoit 45 mémoires et 1 lettre signée par 166 personnes et organisations. Durant les 5 jours d’auditions, elle entend 24 organisations et 12 personnes, suite aux invitations lancées le 3 décembre 2019.
Fonctionnement du mode de scrutin proposé : résumé des mémoires reçus par la Commission des institutions
Des 44 mémoires abordant les éléments pouvant (ou non) permettre que tous les votes comptent: • 30 demandent de hausser la proportionnalité et l’équité des votes, pour chaque région et chaque parti. • 7 appuient sans commenter. • 4 veulent le statu quo. • 3 réduisent la proportionnalité. Des 30 mémoires abordant les éléments pouvant (ou non) permettre que toutes les personnes comptent: • 27 demandent des règles plus exigeantes et plus efficaces (la représentation des femmes et celle des personnes racisées ou nées à l’étranger sont les plus évoquées). • La règle volontaire du PL39 est appuyée par 1 mémoire et rejetée dans 1 autre, alors qu’il est demandé de l’adoucir dans 1 mémoire. |
Globalement, le PL39 est qualifié de mode de scrutin mixte, mais dont l’effet compensatoire, soit la correction des distorsions, n’est pas optimal (voir fiche #1, fiche #2 et fiche #3).
Les éléments techniques choisis sont largement critiqués en raison de leurs carences à l’égard de la proportionnalité du résultat, particulièrement quant à l’équité du vote et au respect du pluralisme politique. Les principales raisons de cette limitation proviennent de l’utilisation des régions administratives existantes comme territoires électoraux. Ce choix induit une proportionnalité à deux vitesses vu le grand nombre de régions électorales, et le fait que la population soit très variable d’une région administrative. En plus de produire une proportionnalité variable selon le lieu de résidence; les populations des régions peu populeuses ne seraient pas traitées équitablement, puisque leurs votes seraient moins respectés que celles habitant dans les grands centres.
Selon les projections, la population de la majorité des régions n’obtiendrait pas le respect de son vote. En effet, dans 11 régions sur 17, le nombre total de sièges varierait entre 1 et 6 sièges, incluant entre 1 et 4 sièges de circonscriptions et entre 0 et 2 sièges régionaux. Ces derniers ne suffiraient pas pour corriger les distorsions qui continueront d’affecter les résultats de la portion majoritaire du système.
Les 6 régions moins désavantagées n’obtiendront pas une très grande proportionnalité pour autant. Le nombre de sièges régionaux y variant entre 3 (Chaudière-Appalaches, Lanaudière et Laurentides), 4 (Capitale-Nationale) ou 8 (Montérégie et Montréal). À ces sièges s’ajouteront entre 4 et 16 sièges de circonscriptions pour un total par région variant entre 7 et 24 sièges.
L’obligation pour un parti d’obtenir au moins 10% des votes pour se qualifier à la compensation, combiné à la manière de corriger les distorsions découlant des résultats des circonscriptions, fait en sorte de favoriser les partis établis et de limiter le pluralisme politique. Le projet de loi propose en effet une méthode de calcul qui favorise les partis ayant déjà remporté des sièges de circonscription, soit en leur accordant davantage de sièges régionaux.
Quant à la double-candidature, en l’interdisant le gouvernement perpétue une vision négative des sièges régionaux. À l’opposé, rendre possible le choix de faire campagne à la fois pour un siège de circonscription que pour un siège régional permet à la population de connaître toutes les candidates et tous les candidats, favorise le contact et le lien d’imputabilité. Permettre la double-candidature aurait permis de contrer la fausse perception que les sièges « de liste » ne seraient pas légitimement élus et qu’ils seraient davantage liés aux partis qu’à la population. Pourtant, ce lien avec un parti existe lorsque des personnes élues pour représenter une circonscription se présentent au nom d’un parti politique. Le fait que la proportion de sièges de circonscriptions versus les sièges régionaux de compensation ajoute une autre difficulté.
Le PL39 est aussi critiqué pour son absence d’action forte pour diversifier la représentation, ce qui créé une vive déception (voir fiche #4). En effet, il ne contient aucune règle obligeant les partis à atteindre une représentation paritaire des femmes et des hommes, ni une représentation équitable des personnes racisées ou nées à l’étranger. La seule exigence pour un parti est d’annoncer (en début de campagne) l’objectif qu’il se fixe en matière de candidates et de faire rapport (avant les élections) de l’atteinte ou non de son objectif.
Le projet de loi ne fixant aucun chiffre à atteindre, il sera facile pour un parti de se fixer un objectif qu’il sera sûr d’atteindre tellement il sera modeste. Si la conséquence semble sévère en cas de manquement, soit la possibilité qu’un parti perde son autorisation, il serait donc bien étonnant qu’un parti la subisse puisqu’elle ne porte que sur la transmission du rapport, sans lien avec son contenu. Le projet de loi rate également des occasions de combiner des mécanismes facilitant l’atteinte de la parité et de la diversification de la classe politique. En effet, il propose l’usage de listes fermées, mais sans y inclure de règle d’alternance entre les candidates et les candidats; il rate aussi une occasion de lier le financement public aux valeurs de la société en le rendant cohérent avec les résultats au plan des candidatures et des personnes élues; de plus il ne prend pas en compte que les conditions socio-économiques étant statistiquement plus difficiles pour les femmes et pour les personnes racisées ou nées à l’étranger, la décision de se lancer en politique se prend dans un contexte bien différent de celui d’hommes blancs disposant de réseaux de soutien appropriés.
Peu de temps avant le dépôt du projet de loi, les réticences du caucus caquiste deviennent de plus en plus présentes. Pour atténuer la grogne, le premier ministre François Legault revient sur son engagement électoral d’adopter un nouveau mode de scrutin pour un premier usage lors de l’élection générale de 2022. Il propose plutôt de tenir un référendum aux élections de 2022, pour une application du nouveau système électoral en 2026, si le oui l’emporte. Ce revirement ne résulte donc pas d’un appétit soudain pour la démocratie et les règles référendaires qu’il dépose le démontrent tellement elles favorisent le statu quo (voir fiche #5).
Référendum proposé : résumé des mémoires reçus par la Commission des institutions
Des 25 mémoires abordant le référendum: • 21 rejettent un aspect ou plusieurs: le recours au référendum, le moment choisi ou les règles référendaires. • 3 appuient le recours et le moment, mais pas les règles. • 1 appui sans réserve. |
Le dépôt tardif du document contenant les règles référendaires (10 semaines après le dépôt du PL39 et 9 semaines avant la fin des consultations) n’a pu que réduire le nombre d’interventions sur le sujet du référendum. Qui plus est, le sujet du PL39 étant le mode de scrutin, ce sont évidemment des personnes et des organisations interpellées par ce sujet qui sont intervenues. Conséquemment, la Commission des institutions se retrouve avec beaucoup moins de matériel sur les enjeux référendaires pour alimenter son analyse. La proposition du gouvernement n’a d’ailleurs obtenu qu’un seul appui sans réserve sur les 25 mémoires abordant le sujet; tous les autres ont rejeté le recours et le moment choisi, ainsi que les règles proposées.
Le moment du référendum a suscité beaucoup d’opposition, mais ce n’est pas le seul problème de la proposition gouvernementale. Dans l’ensemble, les critiques des règles référendaires proposées ont porté sur le biais favorable au statu quo qu’elles induisaient.
À la proposition, comme si c’était banal, de tenir un référendum sur un sujet non constitutionnel, sans jamais avoir statué, ni même débattu, de cette possibilité, s’ajoute le fait non négligeable de contourner la Loi sur la consultation populaire. Alors que cette Loi a demandé douze années de consultations (et de négociations), les règles qui s’appliqueraient à un référendum sur le système électoral seraient adoptées sans qu’un projet de loi spécifique soit déposé, et donc, sans passer par le processus législatif habituel.
Dans un référendum, le camp du oui a une lourde tâche. Dans le présent contexte, il devrait mettre en lumière les déficiences du système électoral actuel et présenter le fonctionnement d’un modèle de remplacement. Cela équivaut à vendre un produit avant qu’il ne soit sur le marché. Le camp du non n’aurait pour sa part qu’à invoquer la peur du changement et la facilité du statu quo, ce qui, contrairement au camp du oui, se résume dans un clip de 15 secondes.
Or, le gouvernement choisit d’accentuer ce déséquilibre au profit du camp du non en n’assurant pas l’accès à l’information. En effet, ni le Directeur général des élections (DGE), ni aucune instance neutre n’informeraient la population. Qui plus est, des cinq mois de campagne, il n’en resterait que la moitié puisqu’il est peu probable de capter l’attention de la population entre la mi-juin et la fin août, sans compter que les listes électorales ne seraient transmises aux camps référendaires qu’en septembre, alors qu’elles sont leur outil de travail. Aussi, en décourageant la participation du monde politique, notamment financièrement, le gouvernement réduirait la visibilité médiatique du référendum. Ajoutons à cela l’allocation financière réduite à 850 000$, soit le tiers du montant alloué en 1995, et il est clair que le gouvernement avantage le statu quo en restreignant l’accès à l’information complète.
La liberté d’expression des camps référendaires serait également limitée par des règles leur interdisant, de mai jusqu’au référendum, toute dépense pouvant favoriser ou défavoriser l’élection d’un parti ou d’une personne. Comment le camp du oui illustrerait-il les distorsions entre les votes et les sièges, sans nommer les partis? Comment dire que c’est le moment de changer, sans référer aux démarches actuelles et passées des divers partis?
Le DGE détiendrait pour sa part un nouveau pouvoir discrétionnaire puisque, devant plusieurs demandes, il choisirait l’organisme formant le camp référendaire, ce qui est d’autant plus préoccupant que le gouvernement abolirait le Conseil du référendum, formé de trois juges, pour un recours vers un seul juge.
9.1.2 Effets de la pandémie de la COVID-19
Le 13 mars 2020, l’état d’urgence sanitaire est déclenché au Québec. Au 1er janvier 2021, plus de 210 000 personnes ont été infectées par la COVID-19, dont 8 300 en sont décédées. Toutes les sphères d’activité de la société ont été perturbées. Les travaux de l’Assemblée nationale n’ont, par exemple repris, qu’en septembre 2020, mais dans un format différent. Dire que l’actualité politique a été chamboulée est en dessous de la réalité.
Le 22 juin 2020, le gouvernement procède à un remaniement ministériel lors duquel la ministre Sonia Lebel devient Présidente du Conseil du trésor, en plus de conserver son titre de Ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Réforme électorale. Cette décision, combinée à des interventions médiatiques du Premier ministre, laisse présager que la pandémie ne diminue pas sa volonté de remplacer le mode de scrutin actuel.
Comme bien d’autres, le projet de loi 39 fait évidemment du sur place jusqu’au 8 octobre 2020. L’Assemblée nationale vote alors en majorité sur le principe du PL39 : la CAQ, QS, PQ et Catherine Fournier (indépendante) votent en faveur, alors que le PLQ et Guy Ouellette (indépendant) s’y opposent.
Ce vote constitue l’étape préalable à l’étude détaillée par la Commission des institutions, étape qui pourrait débuter en janvier ou février 2021, mais qui n’a pas encore été annoncée.
Durant la consultation, le DGE mentionne que le PL39 doit être adopté le 1er février 2021 au plus tard, afin qu’il dispose du temps nécessaire à son organisation. La perspective d’un référendum met donc de la pression sur les membres de la Commission des institutions, pression qui risque d’empêcher l’amélioration en profondeur du fonctionnement du système électoral proposé. Cette pression est d’autant plus inappropriée dans le contexte d’un consensus s’opposant au référendum proposé.
Le travail de la Commission des institutions sera long et demandera de la minutie, mais les parlementaires disposent de l’appui nécessaire pour améliorer les modalités du mode de scrutin proposé.
Le message ne peut être plus clair : le projet de loi doit être corrigé pour augmenter la proportionnalité et l’équité pour tous les votes et pour y intégrer des mesures structurelles fortes, diversifiant la classe politique, et le référendum doit être abandonné.
Ainsi, le gouvernement tente d’adopter les règles d’un référendum sans projet de loi dédié ni consultation spécifique. Ce procédé était douteux avant la pandémie, mais il devient irresponsable depuis qu’une année de travail a été perdue et que le contexte a changé et qu’il n’a pas été appuyé durant la consultation.
En proposant un référendum, le gouvernement compromet même l’adoption du nouveau système électoral. En plus des questions de principe, chaque élément, du déroulement au financement, peut faire dérailler les travaux, en plus de les allonger considérablement. En effet, le gouvernement ayant annoncé que les votes de Québec solidaire et du Parti québécois, ses cosignataires d’une entente en 2018, seraient essentiels à l’adoption du PL39, l’ajout du référendum met du sable dans l’engrenage et réduit la possibilité de consensus, d’autant plus que l’entente ne prévoyait pas de référendum.
Rappelons qu’il a fallu 12 ans pour aboutir à la Loi sur la consultation populaire. De plus, elle, tout autant que les règles référendaires du PL39, abordent seulement l’opérationnalisation d’un référendum. Elles ne répondent pas aux questions fondamentales sur son usage. Quels sont les sujets pouvant être traités par référendum? Quelles règles devraient s’appliquer et quelles conditions devraient être en place, indépendamment d’une question en particulier? Quel recours avons-nous avant le déclenchement d’une période référendaire? Comment protéger les droits?
Ouvrir un tel chantier n’est évidemment pas à propos alors que la pandémie et ses suites préoccuperont la population et les membres de l’Assemblée nationale pour encore longtemps. Ce n’est donc pas davantage le temps d’adopter des règles référendaires, ni de tenir un référendum sur le système électoral.
Ni la conjoncture, ni les 20 mois nous séparant de la campagne électorale de 2022 ne permettent plus d’y tenir un référendum, d’autant plus que sa planification nécessite une adoption du PL39 avant le 1er février 2021, selon le Directeur général des élections.
Le Premier ministre aurait avantage à annoncer rapidement qu’il s’adapte en retirant le référendum de son projet de loi.
Une telle décision démontrerait du respect envers la population et les processus démocratiques, incluant face à ses propres engagements. La Commission des institutions pourrait alors se concentrer sur l’amélioration du mode de scrutin, ce qui permettrait son usage à l’élection générale suivant celle de 2022.
Le gouvernement peut actuellement choisir de se présenter aux prochaines élections en plaçant le remplacement du mode de scrutin dans la colonne des réalisations. Sinon, il s’additionnera aux travaux inachevés, et ce ne sera pas la faute de la pandémie.
Mercédez Roberge, 4 janvier 2021
Autrice de Des élections à réinventer, 2019, Montréal, Éditions Somme toute, 408 pages